Complètement baroques, des musiciens danois plongés en apnée dans des aquariums ont imaginé un concerto avec des instruments modifiés pour résonner dans le monde du silence.
La scène du Godsbanen, une salle de spectacle à Aarhus (centre du Danemark), capitale européenne de la culture 2017, ressemble un peu à une ferme piscicole avec son fatras de bacs, de bonbonnes, de tuyaux et d’artefacts rétrofuturistes. L’un après l’autre, Laila, Robert, Morten, Dea Maria et Nanna s’immergent dans leur bocal où trempent violons, cymbales, cloches, un cristallophone à pédalier et une sorte de vielle à long cou. Des hydrophones – micros qui captent la musique dans l’eau – amplifient des ondes évoquant les sifflements ronds des mammifères marins.
[vc_column][TS_VCSC_Lightbox_Gallery lightbox_size= »large » content_images= »144154,144155,144156,144157,144158,144159,144160,144161,144162,144163″ content_images_size= »large » content_style= »NivoSlider » nivo_effect= »fade » thumbnail_size= »large » lightbox_effect= »simpleFade » el_file1= » »][/TS_VCSC_Lightbox_Gallery][/vc_column]Pionnière de la musique aquatique, Laila Skovmand cumule les casquettes de directrice artistique, auteur-compositeur et vocaliste de l’ensemble Aquasonic. Telle une sirène, les lèvres à fleur d’eau, elle produit une envoûtante cantilène. « Je suis chanteuse de formation et je voulais explorer de nouvelles voies lyriques. Je me suis dit que si je chantais à la surface de l’eau, je pourrais obtenir un autre timbre, quelques réverbérations », raconte-t-elle. La troupe collabore avec des ingénieurs pour inventer des instruments résistants à l’eau, tout en produisant des sons dans le respect des harmonies définies par Laila. « Il y a beaucoup de limitations musicales. Il y a énormément de choses qu’on ne peut pas jouer à cause de la lutte contre l’eau, la lutte avec le son, mais je pense que ce que donne l’eau, c’est ce timbre spécial qu’on ne peut pas avoir dans l’atmosphère », note-t-elle.
À l’écoute, les compositions s’apparentent plus à des pièces d’accompagnement pour méditation tibétaine qu’à des œuvres de musique de chambre. On est loin, ici, des Jeux d’eau de Maurice Ravel ou du Piano aquatique de Luciano Berio. Si le liquide transporte les sons, il les étouffe aussi et les freine considérablement.
Robert Karlsson, musicien et impresario, est au violon (en fibre de carbone) et au cristallophone, lointain héritier de l’harmonica de verre inventé par Benjamin Franklin. Nanna Bech officie sur un rotacorda, conçu sur le modèle d’une vielle à roue byzantine. Cet instrument est pourvu de six cordes d’acier à pincer ou à faire vibrer de façon continue selon la technique du « bourdon » propre à la vielle et à la cornemuse. « C’est un exemplaire unique au monde – ce qui explique que malheureusement je n’ai pas de professeur… », plaisante Nanna.
Laila joue également de l’hydraulophone, un orgue à eau. « Nous voulions montrer que l’impossible est possible, faire découvrir une nouvelle dimension dans la musique live », plaide Robert Karlsson. Aquasonic se produit partout en Europe. Après Rotterdam l’an dernier, ils sont actuellement en tournée au Danemark et participeront en mai au festival Diaghilev de Perm, en Russie.
Le Quotidien/AFP