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Mudam : retour sur l’aventure architecturale du maître Pei


Le Mudam, phare du Kirchberg pensé par Ieoh Ming Pei. L'architecte de la pyramide du Louvre a aussi signé un coup de maître au Luxembourg. (photo Alain Rischard)

L’architecte du Mudam, Ieoh Ming Pei, qui vit à New York, va souffler ses 100 bougies. Pour l’occasion, son collaborateur sur le terrain, Georges Reuter, revient sur les coulisses d’une aventure.

Il est ici chez lui. On lui donne du «Monsieur» avec un respect chaleureux. Pourtant, Georges Reuter n’a jamais dirigé le Mudam. Il l’a conçu, sous la direction de Ieoh Ming Pei, géant mondial de l’architecture qui soufflera mercredi ses 100  bougies. Sur le terrain, l’architecte luxembourgeois a assisté le capitaine de 1989 à 2006. « Dix-sept ans pour voir le musée construit, ça n’a pas été une mince affaire », se souvient-il.

Les écologistes étaient contre le projet de Pei, car le musée gâchait la forêt. Les Sites et Monuments nationaux s’y opposaient, car le musée se construisait sur des remparts… Pei, dont la spécialité a toujours été de concilier passé et futur (la pyramide du Louvre, typiquement), a résisté à toutes les pressions. « Il en avait vu d’autres , confie Georges Reuter, qui ira fêter les 100  ans de Pei à New York, dans une semaine. Les Parisiens passaient devant son projet le dimanche, et disaient  : « Ça va être moche. » Qui enlèverait la pyramide du Louvre aujourd’hui? » Qui enlèverait le Mudam de la place de l’Europe?, pourrait-on répondre.

Les secrets de l’âme du bâtiment

Le père du Mudam a donc bientôt 100  ans. Dans les étages du musée, tout le monde célèbre son génie. « Pei n’a pas pu se déplacer, mais son fils nous rendra peut-être visite en mai », nous glisse-t-on. Le Luxembourg peut se targuer d’avoir un édifice du maître. « Son architecture est pleine d’humilité , décrypte Louis Bestgen, responsable du bâtiment. Pei a toujours présenté ses projets du mieux possible  : pas de prétention, pas de luxe inutile .»

Georges Reuter pousse encore l’idée. « Si vous observez bien, le musée est fait de deux matières, la pierre de Bourgogne et le verre. Pei m’avait défini l’architecture en un mot  : lumière… Les œuvres d’art n’étaient pas encore dans le musée, qu’il voulait déjà les mettre en valeur. » Pas de radiateur au mur, pas de poteaux, pas d’angle droit pour fermer les perspectives  : tout l’espace est consacré à l’art. Autre signe de l’humilité de Pei, la nature autour du musée. D’année en année, le Mudam se cache derrière les feuilles. « Pei savait que des arbres allaient pousser, que ce versant du Kirchberg tend vers la nature. Il l’a accepté dès le début .»

Georges Reuter, l'architecte luxembourgeois qui avait assisté Pei.

Georges Reuter, l’architecte luxembourgeois qui avait assisté Pei.

La déception de l’architecte américain (d’origine chinoise) avait été immense en revanche, lorsque l’hôtel Meliá a poussé en face en 2009. « La place de l’Europe m’inspire parfois du gâchis , tance Georges Reuter. Les deux plus beaux bâtiments, la Philharmonie et le Mudam, sont en retrait par rapport aux deux autres, le Parlement européen et le Meliá .» Un plan de bataille, orchestré par le paysagiste français Michel Desvigne, avait alors été mis en place  : planter les arbres sur la place de l’Europe (un par pays membre!), en avant-poste face au Meliá.

« On était comme des chiens qui défendent leur territoire », sourit Georges Reuter. La stratégie a fonctionné. Le Mudam, qui a fêté ses dix ans l’été dernier, n’a pas pris une ride. « Nous menons une opération pour laver les façades, précise Louis Bestgen. Mais à l’intérieur, la pierre blanche se patine naturellement. » Telles les cathédrales construites dans les siècles précédents, avec la même pierre de Bourgogne. Non, décidément, le Mudam n’est « pas à la mode, il est en dehors de ça », tranche le responsable du bâtiment.

Ieoh Ming Pei a bientôt 100  ans. Il avait soufflé ses 89  bougies avec le Mudam en cadeau. Au Luxembourg, son œuvre reste un modèle de raffinement, une visite qui offre de nouvelles perspectives à chaque fois. Gageons que dans 100  ans les jeunes générations visiteront toujours le Mudam comme on visite un ouvrage majeur.

Hubert Gamelon

photo Alain Richard

L’architecture selon Pei : «la lumière». (photo Alain Richard)

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