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Entre la Turquie et le Luxembourg, des axes économiques à développer


L’ambassadeur de Turquie au Luxembourg, Salim Levent Sahinkaya, fait le point sur le conflit syrien, l’adhésion de la Turquie à l’UE et ses relations économiques avec le Grand-Duché.

> Le secrétaire d’État américain, John Kerry, a semblé reconnaître, il y a quelques jours, qu’il faudrait négocier avec Bachar al-Assad pour trouver une issue au conflit, tandis que le Premier ministre turc, Ahmet Davutoglu, a déclaré que « serrer la main d’Assad revient à serrer la main d’Hitler ».
Y a-t-il des divergences de vues entre la Turquie et les États-Unis, qui font tous les deux partie de la coalition internationale qui lutte contre l’État islamique (EI), sur cette question ?

Salim Levent Sahinkaya : Ahmet Davutoglu a raison, car le régime d’Assad est responsable de la mort de plus de 220 000 personnes qui a provoqué l’exode de millions de personnes. Ce régime a utilisé des armes chimiques contre des gens innocents, donc il n’y a rien à négocier avec lui.

[…] Nous pensons que, sans Assad, nous pouvons parvenir à un régime stable en Syrie, avec une période de transition bien sûr. Si l’on parvient à une stabilité politique, alors nous pourrons éradiquer totalement Daech. […]

> La Turquie accueille sur son territoire un très grand nombre de réfugiés, peut-elle faire face à de nouveaux afflux ?

Nous avons 911 kilomètres de frontières terrestres communes avec la Syrie. Il y a 1,6 million de réfugiés syriens en Turquie, 250 000 dans des camps et le reste est éparpillé dans le pays. Nous ne pouvons pas recevoir d’autres flux migratoires de la Syrie. […]

C’est pourquoi nous souhaitons la mise en place d’une « no fly zone » (NDLR : zone d’exclusion aérienne) dans le nord de la Syrie et d’une zone tampon terrestre afin de stopper les personnes là-bas et subvenir à leurs besoins (aide humanitaire, nourriture, santé) sur place avec l’aide de la communauté internationale.

> La Turquie se sent-elle soutenue par la communauté internationale pour gérer cet exode massif des Syriens ?

Nous avons dépensé 5 milliards de dollars jusqu’à maintenant pour aider les réfugiés alors que l’aide apportée par la communauté internationale est de l’ordre de 150 millions. Cela représente un fardeau financier important et ce fardeau n’est pas suffisamment partagé.

Le nombre de réfugiés reçus par les pays européens n’est pas suffisant. Sur ce point, je salue l’effort fait par le Luxembourg. Le gouvernement a décidé de recevoir une soixantaine de réfugiés. Par rapport à la population du pays, c’est un bon chiffre.

> La Turquie est le pays de passage des combattants étrangers de l’EI vers la Syrie et a beaucoup été critiquée sur cette problématique. Qu’en est-il actuellement ?

La coopération internationale s’intensifie vraiment actuellement. Nous avons une banque de données qui comprend désormais plus de 10 000 noms d’Européens susceptibles de rejoindre Daech. Si une personne de cette liste arrive à la frontière turque, elle est stoppée.

Ainsi, 1 500 sympathisants présumés de Daech ont pu être renvoyés dans leur pays d’origine. Auparavant, la coopération avec la police et les services de renseignement occidentaux n’était pas bonne. Ils nous disaient de stopper ces gens-là, mais nous ne les connaissions pas. […]

> L’adhésion de la Turquie à l’Union européenne est soutenue par le Luxembourg. Qu’attendez-vous de la présidence luxembourgeoise de l’UE sur cette question ?

La Turquie a obtenu le statut de candidat à l’UE en 1999. Et c’est en 2005, sous présidence luxembourgeoise avec le soutien de Jean-Claude Juncker qui était alors Premier ministre, que les négociations d’adhésion ont débuté.

Mais par la suite, les négociations ont été bloquées pour des raisons politiques, notamment sous la présidence de Nicolas Sarkozy en France ou par l’action de la République de Chypre. Il y a 35 chapitres à négocier, mais à cause de ces blocages politiques, la plupart de ces chapitres n’ont pas pu être ouverts.

[…] Nous espérons qu’au moins un chapitre pourra être ouvert sous la présidence luxembourgeoise. Le Premier ministre, Xavier Bettel, dit que l’on ne change pas les règles du jeu une fois que le jeu a commencé.

Il estime que les Européens ne disent pas ce qu’ils pensent, qu’ils laissent la Turquie attendre aux portes de l’Europe. Nous attendons, sous la présidence luxembourgeoise, que la Turquie soit invitée à des réunions ministérielles informelles afin de faire avancer les choses.

> Quels sont les axes prioritaires des relations économiques entre la Turquie et le Luxembourg ?

Le but est de développer la coopération dans les secteurs des transports et de la logistique, de la recherche et du développement, des technologies vertes, de la finance et du tourisme.

Le conseil bilatéral d’affaires (Turkey-Luxembourg Business Council) créé l’année dernière a un important rôle à jouer en ce sens. Le volume d’échanges entre les deux pays est de l’ordre de 200 millions de dollars par an, ce n’est pas encore suffisant.

Depuis l’année dernière, la liaison aérienne directe assurée par Turkish Airlines entre le Findel et Istanbul a permis d’augmenter le nombre de touristes luxembourgeois se rendant en Turquie et vice versa. Ainsi, 15 000 Luxembourgeois sont allés en Turquie en 2014 et environ 13 000 Turcs ont fait le chemin inverse (NDLR : ce dernier chiffre comprend aussi bien les séjours touristiques que les voyages d’affaires).

Entretien avec Nicolas Klein

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