Le Brexit pourrait bien agir comme un accélérateur de la dérégulation sociale. Dans le secteur financier pour commencer. Afin de minimiser leurs coûts dans les pays où ils installeront leurs sièges continentaux, les banquiers de la City mettent en compétition les places européennes. Le 12 février, Jean-Claude Juncker avait assez logiquement prédit cette stratégie : «Les Britanniques savent très bien comment ils vont gérer le Brexit. Vous promettez une chose à un pays A, une chose à un pays B, une autre à un pays C et à la fin il n’y a plus de front européen.»
Dans la finance, ce scénario de la division a commencé à produire ses effets avant même le déclenchement officiel de la procédure de divorce entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. L’exemple du Luxembourg, allant au-delà des exigences de l’UE en matière de traitement des données informatiques des clients, est à ce titre édifiant. Et chaque pays y va de son couplet, Paris promettant des rabais fiscaux, Varsovie des salaires low cost, et Francfort un droit du travail assoupli. Berlin a cependant prévenu qu’elle n’accepterait pas de banques boîtes à lettres qui maintiendraient la réalité de leurs activités à Londres ou ailleurs. Première économie européenne, l’Allemagne a, il est vrai, des contre-arguments à faire valoir face au Royaume-Uni.
Les grands appels à l’unité européenne lancés après le vote du Brexit n’ont pas résisté à l’appât du gain qui l’emporte sur toute autre considération. Le problème est que les bénéfices supplémentaires engrangés n’iront pas gonfler les poches des employés, y compris britanniques.
En se divisant, l’Union européenne met les salariés de ses États membres en concurrence. Une nouvelle fois, elle s’illustre en établissant des règles sociales et salariales minimales, l’un des principaux reproches que lui font les citoyens européens. Et gageons qu’après le plombier, ce sera désormais le «banquier» polonais qui servira d’épouvantail pour justifier dégradation des conditions de travail et attaques contre le droit du travail. Ils ont bon dos les Polonais.
Fabien Grasser (fgrasser@lequotidien.lu)