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Esch-sur-Alzette : la désillusion du marché couvert


Une belle idée qui, si rien est fait rapidement, risque de tourner au fiasco. Rien ne va plus au marché couvert, même entre les commerçants. Si deux d’entre eux veulent rester optimistes, les autres partent au fur et à mesure.

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Certains commerçants, comme Zine-Dine Benarbia, sont optimistes. Mais la majorité des vendeurs déserte le hall. (Photos Isabella Finzi)

En entrant dans le Muart-Hal (Marché couvert) d’Esch-sur-Alzette, le constat est simple, les allées sont vides. Les clients manquent à l’appel. « Mais de 12h à 15h, il n’y a pas grand monde, contre-balance Romuald le fromager. Les gens sont surtout là de 16h à 19h et le matin. »

À ses côtés, Zine-Dine Benarbia, commerçants en fruit et légumes est également résolument positif. Selon les deux hommes, « il y a de plus en plus de nouvelles têtes et nous avons des bons retours ». Le maraîcher assure se déplacer en Italie, à Bruxelles, pour trouver de bons produits de saison et le fromager au marché international de Rungis, mais également directement chez les producteurs locaux.

> Cinq commerçants déjà partis

À quelques mètres, le discours est radicalement différent chez la propriétaire d’un stand de nourriture coréenne, cuisinée sur place.

Cette dernière s’apprête à fermer son commerce à la fin du mois. « J’ai fait 17,90 euros de chiffre d’affaires samedi. C’est une honte ! Je ne peux plus continuer comme ça. Le hall a ouvert le 15 novembre et a été inauguré le 6 décembre. Depuis, il n’y a personne. Le problème c’est qu’il n’y a pas assez de commerces, beaucoup sont partis. »

En effet, depuis l’inauguration du marché couvert, cinq commerçants ont déjà quitté l’affaire : des commerçants de fruits exotiques qui ne sont restés que deux jours, le bistrot Bofferding, la rôtisserie de poulets, la boulangère et le stand italien. Autant dire que les 28 emplacements du hall sont quasiment vides.

L’investisseur aurait pourtant injecté environ 3  millions d’euros pour aménager le lieu et le mettre aux normes d’hygiène et de sécurité. Mais impossible de vérifier ou de connaître sa position car la gérance, KF (pour Kindy Fritsch) fiduciaire, refuse catégoriquement de répondre à nos questions et à la presse de façon générale.

« Il fait trop froid , poursuit la commerçante coréenne, donc les gens ne veulent pas s’installer pour manger. Nous devons 5  500  euros d’impôts, mais nous n’avons pas les moyens de payer. » Le couteau sous la gorge, elle s’est décidée à arrêter, sans vouloir pour autant décevoir la petite clientèle fidèle qu’elle s’est créée.

> « C’est le rêve de ma femme qui s’effondre »

« C’est dommage, il y a un beau potentiel », soupire son mari Daniel Weber, triste de voir « le rêve de ma femme s’effondrer, malgré toute sa bonne volonté et tout son travail ». « Tous les jours, elle achète des produits frais et tous les jours, il faut en jeter la moitié. »

Il ajoute : « Lorsque nous avons signé le contrat le 15 septembre 2013, il y avait une clause qui stipulait que tous les commerces devaient ouvrir en même temps lorsque le hall serait complet. C’est pour cela que l’ouverture a été repoussée une première fois au 5 avril 2014. Nous avons engagé beaucoup de frais pour monter les murs et aménager le stand. »

Parmi les nombreux frais, le couple paye, comme tous les commerçants, 250 euros par mois pour la pub sans en voir réellement la couleur. Ils croient toujours au potentiel du marché couvert si les choses sont faites correctement. Ils préfèreraient laisser l’affaire en stand-by et reprendre lorsque les commerçants seront au complet, mais le propriétaire veut qu’ils payent le loyer.

C’est pour cette même raison que, bien plus tôt, Mario Da Silva, qui tenait le bistrot Bofferding, s’est décidé à partir. « Avec deux, trois clients par jour, c’est impossible de tenir. »

Il veut faire part de son mécontentement et assure que si ça continue, le marché fermera ses portes tout simplement. « Nous avons fait venir un huissier pour constater qu’il n’y a pas de client », poursuit-il. Pour lui, le fromager et le marchand de fruits et légumes peuvent tenir, parce qu’ils vendent aux restaurants, aux pâtisseries ou encore aux snacks et qu’ils « payent un loyer très avantageux. »

Lui a arrêté de payer le sien et « de croire aux monts et merveilles qu’on nous a promis ». Il est cependant lui aussi prêt à recommencer si le marché est complet.

Tous ces départs n’entament pas l’optimisme du commerçant de fruit et légume et du fromager qui annoncent l’arrivée d’un poissonnier samedi prochain. « On attend son arrivée pour faire de la publicité à trois. »

Audrey Libiez

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