Aujourd’hui reprend le procès en appel de l’affaire LuxLeaks avec, toujours, au cœur des débats, l’importance de Marius Kohl, le désormais célèbre préposé du bureau Sociétés 6 de l’administration des Contributions directes qui aurait validé des centaines de rescrits fiscaux pendant ses heures de service. Mais depuis sa retraite, l’homme est introuvable, invisible.
Il sera encore appelé à la barre, cet après-midi, mais en vain. La faute à cette maladie qui l’éloigne systématiquement et opportunément des salles d’audience. Il est pourtant le nœud gordien de l’affaire. Sans lui, elle ne pourra jamais être résolue. Mais cherche-t-on vraiment à tirer au clair le processus qui a mené aux révélations ?
Pas vraiment. Car Marius Kohl détient un secret brûlant, de ceux capables de faire s’effondrer le château de cartes, et pas seulement luxembourgeois. Le très loyal fonctionnaire risquerait de mettre sa hiérarchie sur la sellette s’il venait à passer à table et tient dans son secret la période Juncker, qui était Premier ministre du Grand-Duché à l’époque des faits, mais aussi ministre des Finances.
Parler signifierait menacer l’actuel président de la Commission européenne, qui serait amené à s’expliquer sur le dumping fiscal luxembourgeois quand il tente d’édicter des règles de bonne conduite à l’échelle européenne. Une schizophrénie aux conséquences potentiellement lourdes : cette Commission, si difficile à bâtir, pourrait s’effondrer sur elle-même, alors qu’elle a tant de crises à gérer.
La vérité attendra, l’Europe passe avant tout, semblent dire les tenants du droit. Mais la vérité émergera, forcément, tôt ou tard. De ces silences qui disent tant de choses, ou d’autres fonctionnaires du bureau Sociétés 6, toujours tenus par leur devoir de réserve, mais qui sauront, en temps et en heure, raconter les coulisses de cette affaire LuxLeaks.
On comprendra alors pourquoi ce ridicule procès n’aurait pas dû avoir lieu. Mais il sera trop tard.
Christophe Chohin (cchohin@lequotidien.lu)