Des milliers de Polonaises ont protesté lundi contre une proposition de loi contre l’IVG. Au Luxembourg, elles étaient 150 devant l’ambassade. Elles refusent que leur pays sombre dans ce que l’une d’entre elles qualifient de grave retour en arrière.
La page Facebook des Polonais du Luxembourg (Polacy w Luxemburgu – Polish ppl in Luxemburg) avait appelé au rassemblement lundi devant l’ambassade. Malgré les averses, la communauté polonaise du Luxembourg a fait front rue Guillaume-Schneider. Police et ambassade étaient prévenues de la manifestation.
Izabela Milewska est installée au Grand-Duché depuis presque un an, elle s’insurge contre la proposition de loi interdisant presque totalement l’interruption volontaire de grossesse : «Pour un viol, cela voudrait dire que la femme serait punie deux fois. Et après le traumatisme du viol et d’une grossesse non voulue, si elle se fait avorter, elle irait très sûrement en prison. Chose qui serait moins sûre pour son agresseur, c’est incroyable!»
Le sujet de l’avortement est particulièrement sensible en Pologne. Pour Izabela, la législation actuelle est suffisante : «Je ne suis personnellement pas en faveur de l’avortement, mais je veux que les droits des femmes soient protégés. Il faut leur laisser le choix. Cela peut convenir aux catholiques, mais qu’en est-il pour les autres?»
Pour Zofia Gorczyca, depuis 22 ans au Grand-Duché, cette proposition de loi est un véritable retour en arrière : «On va se retrouver comme au Salvador, à envoyer des jeunes femmes en prison. Le parti au pouvoir, PiS (Droit et Justice), fait tout pour aller à l’encontre de l’opposition, mais ce sont les femmes qui en pâtissent.»
Appel à la «grève des femmes»
Si la plupart des manifestants sont des femmes, quelques hommes sont également venus pour apporter leur soutien. C’est le cas de Loris, un Belge, et de Piotr, un Polonais, qui travaillent tous les deux à la Cour de justice de l’Union européenne. C’est une collègue qui leur a fait part de la manifestation : «J’étais déjà à une manifestation contre le gouvernement récemment à Varsovie…, raconte Piotr. Des deux initiatives populaires (NDLR : portant sur l’avortement et soumises à la Diète polonaise), une libérale et une conservatrice, c’est la conservatrice qui a été acceptée.»
L’action de lundi s’inscrit dans un mouvement plus vaste qui a vu des milliers de Polonaises vêtues de noir participer hier à des manifestations dont le mot d’ordre était la «grève des femmes» contre la proposition de loi bannissant pratiquement l’avortement dans ce pays à la législation déjà parmi les plus restrictives en Europe. Le 23 septembre, le vote d’une forte majorité des députés de la chambre basse du Parlement polonais décidait en effet de renvoyer en commission parlementaire le texte.
L’action, propagée sur les réseaux sociaux, appelait les femmes à s’absenter du travail et à prendre part à des rassemblements à travers la Pologne. En réponse à cet appel, quelque 2 000 personnes se sont réunies devant le siège du Parti conservateur au pouvoir, PiS, pour former une chaîne humaine baptisée «mur de la fureur».
«Pour que ma fille ait la liberté de choix»
Les manifestantes, vêtues de noir, certaines aux lèvres maquillées de cette couleur, ont scandé «Cette loi viole nos droits», «On ne se laissera pas faire», «Cruauté», ou «Les femmes feront tomber ce gouvernement». Proposition d’initiative citoyenne déposée par le comité «Stop Avortement», le texte prévoit l’interdiction de l’IVG à une exception extrême près : lorsque la vie de la femme enceinte est en danger immédiat. Il prévoit également une peine de prison pouvant atteindre cinq ans tant pour les médecins et autres personnes participant à l’IVG que pour les patientes elles-mêmes, mais autorise le juge à renoncer à punir ces dernières.
«Je suis ici pour que ma fille ait la liberté de choix en Pologne, que personne ne m’impose comment je dois vivre, ce que je dois faire avec mon corps et avec celui de mes enfants. Dans mon entreprise, toutes les femmes sont autorisées à prendre congé aujourd’hui et beaucoup d’entre elles l’ont fait», a déclaré Marta Kozlowska, une secrétaire de 37 ans. «Personne n’a le droit de décider ce que je dois faire avec mon utérus», lance Katarzyna Goluch, une lycéenne de 17 ans. «Si un jour je suis violée, et si la loi est en vigueur, je serai obligée de poursuivre la grossesse. La même chose, en cas de malformation du fœtus. Il faut dire enfin non!»
Audrey Somnard (avec AFP)