Le portier du Fola, qui a perdu son père début juillet, effectue un début de saison tonitruant après des matches d’Europa League époustouflants.
Les supporters d’Aberdeen avaient promis de l’acclamer à la 59e minute du match retour du 1er tour d’Europa League, ce 7 juillet, parce que son père, décédé cinq jours plus tôt dans un accident de la route, avait 59 ans. Thomas Hym ne sait pas s’ils ont tenu parole, il a juste entendu dire que oui. Mais il a pu mesurer à quel point, au Royaume-Uni, un homme qui se présente sur le terrain parce que son devoir est plus important que son deuil, est apprécié.
C’était quelques heures après le coup de sifflet final, dans les rues de Luxembourg-ville, alors que les fans Écossais se saoulaient pour fêter une qualification arrachée de justesse et que démarrait France-Allemagne sur les écrans géants installés au Knuedler. Pas mal de supporters le reconnaissent, prennent des photos avec lui. Et l’un d’eux finit par se mettre à genoux devant lui et son épouse pour dire à cette dernière qu’à Aberdeeen Hym est « une légende. Venez vivre chez nous. Ce n’est pas beau, mais on s’y amuse bien.» « Ça a fait rire ma femme, se souvient Hym. Il faut dire qu’ils étaient tous pas mal arrangés.»
«J’avais besoin que mon père soit fier de moi»
Lui aussi. Mais d’une autre façon. Cinq jours plus tôt, son père décédait tragiquement. Deux jours plus tôt, il l’enterrait.
Trois jours plus tôt… c’est sa femme qui le conduisait elle-même à l’entraînement, à sa demande. Avant qu’il lui supplie de faire demi-tour parce qu’il ne pouvait pas. Puis de se raviser : « Non ! Il faut que j’y aille ! »
Coup du sort, le premier qu’il croise est son ami Julien Klein, avec qui il a grandi. Premières larmes. Puis le staff qui ne lui « impose rien ». Mais lui veut jouer : « C’était brutal. Aberdeen m’avait donné pas mal de confiance et de force. Et je me retrouve à gérer ça, ma mère toute seule… C’est bête mais le foot me permettait de penser à autre chose, c’était un exutoire. Je me suis défoncé là-dedans. Mon père m’a toujours encouragé sans un mot plus haut que l’autre, il a toujours été présent, à tous les matches. J’avais besoin qu’il soit fier de moi.» Tout ce dont il veut s’assurer, c’est d’être émotionnellement prêt à jouer, de ne pas craquer sur la pelouse du stade Josy-Barthel.
Il était là, il n’a pas craqué et le Fola a joué « le meilleur match qu’il ait jamais joué. Tout le monde a donné un peu plus que d’habitude.» Lui a donné beaucoup plus que d’habitude : il a fait don de la semaine la plus triste de sa vie à tout un club.
Depuis, il enchaîne, se montrant décisif dans quasiment tous les matches qu’il a disputés en championnat jusqu’à présent alors que la saison passée, justement, tout le monde estimait, au mieux, qu’il n’avait pas fait gagner de points au Fola et, au pire, qu’il lui en avait fait perdre.
« Ça m’a fait rire, soupire-t-il. Je n’ai pas compris. Je dirigeais la deuxième meilleure défense de DN et je me retrouvais pire gardien. Alors qu’il y avait une forme de continuité, justement. Je n’étais pas en dessous de mon niveau, mais peut-être que j’avais moins d’arrêts décisifs à faire. Au bout d’un moment, je me suis demandé : mais ils sont fous ou est-ce qu’il y a une part de vérité là-dedans ? » Ceux qui connaissent sa vie privée ont trouvé une partie de l’explication dans la création de son agence immobilière, à Esch-Belval, une zone géographique en perpétuelle mutation et qui bouge trop vite pour qu’on reste concentré sur quoi que ce soit d’autre que son travail. Quand on se lève tous les matins à 7h pour aller lancer une affaire, qu’on « cravache tout seul », qu’on arrive parfois en retard à l’entraînement, forcément…
« Mais maintenant, l’affaire est lancée.» Et lui, il est relancé. «Oui, mais ça peut aller vite. Une boulette et bye-bye la belle forme.» C’est exactement ce que Strassen va tenter de lui faire commettre ce dimanche soir…
Julien Mollereau